Une Vie meilleure (A better life) de Cédric Kahn – 2011 avec
Guillaume Canet &
Leila Behkti.
Yann, cuisiner sans emploi, rencontre Nadia au cours d'un entretien d'embauche infructueux. Ensemble, ils se lancent dans un projet ; démarrer un restaurant. Ils se voient alors contraints d'emprunter de l'argent et au fil des prêts et des dettes, plongent dans l'enfer du surendettement.
Le film s'ouvre d'emblée sur une conversation houleuse entre Yann (Guillaume Canet) et le patron d'un restaurant de Paris. Yann, sans grande expérience, demande qu'on lui laisse sa chance, mais en vain. Ces premières répliques sont malheureusement assez plates, à l'image du reste des dialogues. L'action rapide laisse ensuite vite place au personnage de Nadia (Leila Behkti), serveuse dans ce lieu : les deux personnages deviennent amants au bout d'une poignée de minutes. Cela se passe si rapidement que ce premier rendez-vous semble peu crédible. On se demande si il n'y a pas eu volonté d’expédier le background... Quel intérêt y a-t-il à nous montrer une rencontre aussi simpliste ?
Les ellipses qui suivent n'arrangent pas cette impression de trop grande rapidité de l'intrigue, puisqu'on retrouve subitement les personnages accompagnés de Slimane (le fils de Nadia à peine évoqué plus tôt) pendant une promenade champêtre. Combien de temps s'est-il écoulé depuis la dernière scène, qui nous montrait Yann prendre un café chez Nadia après leur soirée ? A l'issue de cette après-midi, les deux garçons, qui s'amusaient jusque-là avec un hélicoptère télécommandé dans la plus pure tradition « famille heureuse », découvrent ce qui semble être les vestiges d'un gîte perdu dans la forêt. Yann nourrit aussitôt le dessein de le restaurer avec le concours de Nadia. Problème : ils n'ont pas l'argent requis pour financer l'achat et les réparations. Le jeune homme prend alors une décision fatidique, celle de contracter plusieurs prêts à la consommation. Il embauche un de ses amis pour rénover l'endroit, en faisant l'impasse sur plusieurs éléments de sécurité essentiels. Arrive donc la signature, puis l'inspection sanitaire ; rien n'est aux normes. Le couple ne peut pas ouvrir le restaurant, et donc ne peut rembourser ses dettes qui s'accumulent rapidement avec les intérêts. À partir de là, une spirale infernale va démarrer, que certains pourront reprocher d'être excessive. Cependant, le drame du surendettement est malheureusement réel, et le film le dépeint avec conviction.
Sans surprise, le couple se détériore au fil des problèmes et finit par exploser ; Nadia reproche à Yann de pas vouloir lâcher le projet alors que tout semble perdu, tandis qu'à l'inverse il l'accuse de ne pas avoir foi en lui. Ils en viennent aux mains au cours d'une altercation violente, qui se termine par le départ de la jeune femme et de son fils de la caravane qu'ils partageaient précairement. Et, une fois encore, on assiste à une ellipse sans aucun sens, puisqu'on retrouve Nadia qui explique à Yann qu'elle accepte un job au Canada et qu'elle lui laisse Slimane jusqu'à ce qu'elle puisse se loger. La jeune femme vient de se faire frapper par Yann, mais lui confie son enfant ? On comprend cependant qu'elle n'a que lui, mais la transition reste trop rapide (on en déduit par ailleurs que ces écrans noirs d'une poignée de secondes représentent certainement plusieurs semaines).
Très vite, on devient sans nouvelle de la jeune femme, ce qui ne pourrait pas être grave si Slimane ou même Yann parlait d'elle. Mais rien n'est dit ou presque sinon l'enchaînement critique des galères ; le jeune homme fait louer le gîte, revend sa caravane et doit désormais vivre avec l'enfant dans un squat misérable, le tout payé assez misérablement par son travail dans une cantine scolaire.
L'intrigue de ce film est relativement compliquée. Par exemple on regrettera que le restaurant pour lequel le personnage de Yann s'est tant battu finisse par disparaître du film sans plus de cérémonies. A l'inverse, la scène où le jeune homme signe la vente fait écho à celle de l’acquisition du gîte et montre une certaine cohérence du récit. Mais malgré plusieurs points négatifs, Le film n'est cependant pas à jeter. Au contraire, certains points sont abordés avec beaucoup de subtilité, comme l'évolution de la relation entre Yann et Slimane. Celui-ci fait en effet office de boulet au commencement, mais va cependant finir par compter comme un vrai fils pour Yann. La prestation de Slimane Khettabi est remarquable de spontanéité. Cédric Kahn nous l'explique, il n'a pas engagé l'enfant le plus docile du casting mais au contraire, a fait confiance à l'improvisation du jeune garçon, et qui nous donne des scènes assez drôles à l'image de celle de la pêche qui provoque une peur panique chez Slimane, et des scènes plus intenses comme la confrontation de Yann au sujet des chaussures volées. On peut d'ailleurs noter sur cette séquence que Yann est totalement opposé au vol, une extrémité à laquelle il sera pourtant contraint de participer pour pouvoir s'échapper au Canada, à la recherche de Nadia dont on se préoccupe enfin. La balance entre humour et drame est toujours très équilibrée tout au long du film.
Le dernier tiers du long métrage se passe donc au Canada sur les traces de Nadia. On apprend qu'elle a quitté son travail à la suite d'un litige et qu'elle s'est fait emprisonner à la suite d'un malentendu. Yann découvre dans la foulée qu'il aime sincèrement la jeune femme, et lui promet de la sortir de là ; Slimane retrouve enfin sa mère, et le film se termine sur un petit cliché ; Yann et Slimane chevauchant une motoneige dans les étendues glacées. On a un petit sentiment d'inachevé, puisque les problèmes du trio sont loin d'être résolus, mais pas au point d'en être frustré.
Une vie meilleure est l'histoire de ces personnes de conditions modestes cherchant à tout prix à accéder à une vie meilleure. Ce n'est pas le film de l'année mais il à le mérite d'aborder un thème d'actualité majeur sans condamner qui ou quoi que ce soit et sans en faire trop. On regrettera cependant de ne pas savoir quoi tirer du long métrage : l'acharnement à se battre pour une cause perdue semble être à double tranchant, faut-il savoir quand renoncer ? On appréciera de revoir Guillaume Canet repasser devant la caméra aux côtés de la très convaincante Leila Bekhti.
Cindy (lycée Jean Moulin)